Haiti Liberte
Member Log in |
|
|
Edition Electronique |
Vol. 10 • No. 26 • Du 4 Jan au
10 Jan 2017 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Vol. 8 • No. 17 • Du 5 au 11 novembre 2014 |
A quand notre printemps haïtien? |
Berthony Dupont |
|
|
EDITORIAL |
L’année 2014 qui s’achemine vers sa fin marque incontestablement
une étape décisive dans la vie politique du peuple burkinabè,
acteur de ce qu’il est convenu, maintenant, d’appeler «le printemps
burkinabè», sinon «le printemps africain». C’est arrivé à l’issue d’un
soulèvement sans précédent, massif, dans les annales de ce pays
symbolisé par le légendaire leader révolutionnaire Thomas Sankara.
Depuis son assassinat, et quoique mort, il reste toujours présent, accompagnant
la lutte de son peuple. Il est même plus vivant que beaucoup
d’autres qui vivent encore au Burkina Faso.<p>
A la faveur de cette révolte, des flambeaux populaires de libération
se sont allumés au «pays des hommes intègres». Mais il faut
prendre garde à la réaction de l’Occident, notamment les Etats-Unis
et la France. Leur attitude ne peut avoir d’autre expression que celle
des crocodiles méchants et violents pleurant sur le malheureux sort de
leurs victimes qu’ils déchirent pourtant à grandes dents. Cette flambée
populaire à Ouagadougou, n’est-elle pas venue au moment opportun
de notre lutte pour nous stimuler et nous forcer à nous démarquer de
l’humeur politique électoraliste ou attentiste de maints secteurs en
Haiti ? Tirant leçon du malencontreux affaiblissement de notre lutte,
il est urgent que nous rectifions le tir et que nous prenions la bonne
direction d’une voie unifiée, organisée, contre le pouvoir, afin d’en
finir avec la comédie la plus macabre de tous les temps que joue le
régime en place.<p>
En Haiti, notre grand handicap politique tient au fait que
l’opposition ressemble étonnamment à Janus. Elle a deux visages :
l’un qui affiche un rictus appelant au départ de l’intrus au timon du
pouvoir ; l’autre réclamant de façon désespérée des élections «honnêtes,
crédibles et inclusives». Alors que tous les signaux du régime
montrent clairement qu’il n’est nullement intéressé à aller aux urnes.
Le comble est que l’opposition n’a pas un objectif clair, défini,
pour développer un courant organisé, discipliné, né d’un consensus
populaire pour remplacer le régime autocratique actuel par un système
démocratique, progressiste valable. Pas de mots d’ordre sérieux adaptés
à la conjoncture. Seulement des slogans ! Rien que des slogans, de
l’agitation, puis le vide. Il faut des actions et des gestes concrets. Le
temps ne devrait plus être aux tergiversations et à l’attentisme stérile.
Le peuple haïtien a trop souffert pour que l’opposition continue
d’assister plutôt passivement à cette course à l’abîme où Martelly et
sa meute veulent entraîner le pays. Mais pourquoi donc ne pas être
carrément radical, tranchant, pour en finir une fois pour toutes avec
cette douloureuse agonie entretenue méchamment par la bande à
Martelly ? Il est urgent d’agir tout de suite, de façon décisive et définitive,
à travers une mobilisation forte, soutenue, organisée, unifiée
pour extirper le cancer mickyste du tissu social haïtien.<p>
Sur l’échiquier politique, le parti Coordination Dessalines (KOD),
intimement lié au secteur populaire, affiche volontiers dans son discours
une détermination résolument militante, révolutionnaire, en
multipliant des déclarations anticolonialistes et anti-impérialistes allant
de pair avec le départ des forces occupantes et du couple Martelly-
Lamothe. Le Mouvement patriotique de l’opposition démocratique
(MOPOD) pour sa part, contrebalance cette tendance avec deux
agendas contradictoires : le départ de Martelly d’un côté et de l’autre
sa participation au groupe des six partis politiques réclamant des élections
via le respect de l’article 289 de la Constitution.<p>
Face à la position conséquente du KOD et celle, vacillante du
MOPOD, nous ne pouvons sous-estimer d’autres secteurs influents
de l’opposition qui participent massivement à toutes les manifestations,
mais qui ironiquement n’ont de revendication que le départ de
Lamothe et la réalisation d’élections «crédibles et honnêtes». Comme
si Martelly était un démocrate respectueux des règles du jeu. Cette
contradiction observée au sein même des forces de l’opposition est
un grave handicap. En effet, si des secteurs de l’opposition veulent
s’engager dans des élections avec Martelly, la mobilisation est déjà
piégée de l’intérieur même. Le processus est vicié dès le départ.
Ce type de stratégie ne fait que cautionner les dérives de Martelly,
lui facilitant la tâche de continuer à nous mystifier et à nous humilier.
C’est ainsi qu’en France, la présidence haïtienne s’est laissée tourner
en dérision par les descendants des anciens colons. Pourtant, Martelly
en a été fier, et pour paraphraser son porte-parole, l’ineffable Lucien
Juras, « il a été égal à lui-même ». <p>C’est tout le rendement dont il était
capable. Mais le plus gros affront dans tout cela, c’est qu’Haïti a été
humiliée en France comme Dessalines l’a été le 17 Octobre 2014.
Au sein de l’opposition, on ne peut pas être pour les élections
avec Martelly et en même temps pour son départ ou celui de Lamothe.
Quelle preuve de sérieux il y a-t-il en participant à un tel projet ? A
bas Martelly ! Ce doit être le mot d’ordre populaire ; donc il nous faut
faire un choix : accorder nos violons avec les desideratas des masses
ou traîner aux basques de Martelly dans l’espoir illusoire d’élections
«honnêtes». L’opposition «poule mouillée» doit mettre un peu d’ordre
dans sa stratégie afin de définir rigoureusement le fondement de la
lutte. Comment peut-on s’accommoder d’un pouvoir n’offrant au
peuple que la misère et l’humiliation et qui ne se maintient à la tête de
l’Etat que par une violence particulièrement insupportable. Si ce doit
être le cas, les menées de cette opposition se ramènent, directement
ou indirectement, à faire le jeu de l’impérialisme, et par voie de conséquence,
à nuire aux masses populaires haïtiennes, leur barrant la
route à leurs rêves les plus chers de dignité et de vie meilleure.<p>
Des manifestations sont prévues pour les 12 et 18 Novembre
prochains, mais jusqu’à présent on ne voit pas toutes les forces de
l’opposition autour d’une table de mise en commun de leurs énergies
de mobilisation parce qu’elles ne sont pas sur les mêmes longueurs
d’onde. On ne voit pas trop à quoi aboutiraient d’éventuelles
manifestations dépourvues d’un objectif clair, défini. L’opposition
doit se concentrer dans son ensemble sur le départ sans condition
du régime ; sans quoi elle ne pourra mettre dans les rues une manifestation
monstre à l’instar du soulèvement du peuple burkinabè.<p>
L’alternative idéale pour ne pas dire la meilleure serait que toutes les
forces démocratiques s’unissent pour poser les jalons d’une unité
nationale aboutissant au départ de Martelly et de Lamothe du pouvoir
et des forces occupantes.<p>
Au moment où le peuple du pays des hommes intègres essaie de
refaçonner son histoire, en Haiti, nous poursuivons une marche vers
l’abîme, pendant que les agresseurs violent notre souveraineté, occupent
notre territoire, interviennent dans nos affaires internes, mènent
des campagnes de déstabilisation, d’intoxication et empêchent notre
peuple de jouir de ses droits fondamentaux.
Alors à quand donc, notre printemps haïtien ?
|
|
|
|
|
|