Haiti Liberte
Member Log in |
|
|
Edition Electronique |
Vol. 10 • No. 26 • Du 4 Jan au
10 Jan 2017 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Vol. 9 • No. 6 • Du 19 au 25 Août 2015 |
Pas de Bois Caïman, mais Carifesta, et demain ? |
Berthony Dupont |
|
|
EDITORIAL |
Le présent d’un pays ne peut pas être dissocié de son passé vu que le passé détient la clef de l’avenir. L’existence d’une nation signifie une continuelle accumulation de faits historiques qui mettent leur empreinte sur toute son évolution. Ainsi donc « les peuples sans histoire sont des peuples sans avenir » ! Il est un fait certain, nous dit un haut prélat français, Mgr Jean-Louis Bruguès, que « la vitalité de la mémoire est la condition de tout progrès humain. N’importe quel individu pourvu qu’il soit touché par l'amnésie, il ne sait plus qui il est ». De même que tout pays qui se laisse envelopper par l’ignorance historique ne sera point capable de rien construire de grand et de valeureux.<p>
L’histoire peut servir de guide précieux dans l’analyse des phénomènes contemporains. Notre histoire est une chronique de durs combats pour la liberté et la justice sociale pour l’indépendance et la souveraineté nationales. Il est difficile d’imaginer qu’en Haïti, de façon voulue, des dirigeants ont préféré faire l’obscurité absolue sur notre glorieux passé historique rien que pour satisfaire d’autres projets, d’autres objectifs. Alors que nos ancêtres ont brisé les chaînes de l'esclavage pour contribuer à l’avancement de l’humanité, nous continuons à ne leur accorder aucun respect, voire de l’honneur à leur égard. Et ce n’est pas sans raison que nous sommes devenus incapables de prendre en main les destinées de notre patrie, laissant aux ennemis d’Haïti le soin de la faire mourir à petit feu. <p>
Les 14 et 23 Août 1791 sont les dates de deux événements déclencheurs de la formidable épopée de Saint-Domingue menée par les Premiers Noirs qui, glorieusement, arrachèrent, dans le sang, leur indépendance à la France colonialiste ! Ainsi, à travers cet élan, naquit la première République Noire indépendante: Haïti ; de sorte que le vent libérateur qui s’était levé dans les Caraïbes, a fini par devenir un véritable et inépuisable esprit de sacrifice particulièrement riche s’étendant partout, soulevant l’espoir de centaines de millions d’hommes à travers le monde.
Le 14 août 2015, date commémorant le 224ème anniversaire du grand Congrès des esclaves au Bois-Caïman et les 22 et 23 août, date de leur soulèvement général, une semaine après, dans la nuit, ne sont nullement commémorés en Haïti. Ces deux grandes dates, malgré leur haut degré de symbolisme et de signification historiques n’inspirent nullement les dirigeants haïtiens, voire qu’elles créeraient en eux quelque impact nationaliste ! <p>
En vérité, le 14 est passé inaperçu comme le seront les 22 et 23, alors que le gouvernement s’adonne à d’autres activités comme le Festival des arts caribéens (Carifesta), du 21 au 30 août prochains, une activité de la Caricom, alors que nous n’y sommes pas obligés, que nous n’y sommes pas habitués alors qu’une misère atroce dessèche le quotidien haïtien. Est-ce à dire que notre passé est moralement vide, qu’il ne transmet aucun message, aucune leçon recevable par un esprit moderne, en d’autres termes aucun programme ? <p>
Non ! Assurément non. Notre passé historique est et devra toujours rester une source d’inspiration politique inestimable pour l’humanité progressiste ; puisque nous avons pu contribuer à la cause de la liberté en mettant un terme à l’esclavage et en combattant le colonialisme. Le congrès du Bois-Caïman et la révolte des esclaves sont deux événements riches culturellement, spirituellement et politiquement. C’est une honte nationale quand l'ambassadeur d'Haïti auprès de la Caricom, Peterson Benjamin Noël piétinant nos valeurs et la valeur de nos traditions « exhorte tous les secteurs de la vie nationale à œuvrer pour le succès de cette édition du Carifesta qui permettra à Haïti d'offrir une meilleure image aux caraïbéens ». Poser ainsi la réalisation de cette activité suffit pour situer le clivage. Une telle réflexion de la part d’un dirigeant haïtien nous rappelle que les colonialistes et néo-colonialistes montrent encore les dents et nous dominent à travers certains valets, ces cadres jouant le rôle de nouveaux commandeurs. <p>
Si c’est Carifesta qui devait permettre à Haïti d’offrir une nouvelle image, ce serait alors parce que nous avons rejeté nos racines, nos valeurs et notre culture pour nous adonner à valoriser d’autres cultures. Est-ce le fruit d’une éducation de colonisés ? On nous a éduqués ainsi pour haïr nos pratiques dérivées d’un passé glorieux tout en favorisant d’autres. <p>
Pour tout gouvernement qui voudrait promouvoir quelque chose de grande portée culturelle, ces deux dates ne sauraient passer inaperçues. Au lieu de gaspiller les ressources du pays dans des carnavals insignifiants, ou des activités à l’instar de la Carifesta, les prouesses haïtiennes qui auraient pu servir comme des catalyseurs touristiques et culturels ne sont guère utilisées comme une fierté et un trésor, ni pour raviver la mémoire historique du citoyen haïtien ni pour vendre une image de marque aux autres peuples. <p>
Ignorer Bois-caïman et la révolte des esclaves pour embrasser la Carifesta, c’est aller vers quels horizons? Ce n’est pas poursuivre l’idéal des précurseurs de la pensée dessalinienne, c’est même une politique d’autodestruction dans laquelle nous nous engageons. C’est nous faire oublier notre passé pour nous perdre dans de superficielles festivités. L’esprit de la Carifesta reflète certes une dimension régionale, mais elle ne nous mène pas, nous autres haïtiens, à embrasser notre culture, sinon qu’à valoriser ce qui est étranger au détriment de ce qui est national, patriotique. <p>
Il est bruit que 300 millions de gourdes ont été décaissés du Trésor public pour la réalisation de cette édition du Carifesta. A qui profitera ce pactole? Précisément pas les masses populaires, mais les hôtels et restaurants luxueux des multinationales et les éléments de la bourgeoisie qui les gèrent. <p>
Il est un fait certain que l’ennemi a changé de costume ; mais celui-ci cache le même corps hideux. L’ennemi garde en sourdine la même chanson du colonisateur sous sa forme néocoloniale. Tout le reste n’est que poudre aux yeux. !
|
|
|
|
|
|