Première partie
Konplo
Aristid la (Le complot contre Aristide)
Li sòti Washington (Il
est sorti de Washington)
Li pase Vatikan (Il est passé par le
Vatican)
Se Bondye k voye-l (Il a été envoyé par Dieu)
Manno
Charlemagne
Le 15 juillet 2011,
l'ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide fêtait ses 58
ans. Son anniversaire a été marqué en Haïti et dans la diaspora
de façon éparpillée par des fêtes (en général privées) de
militants et sympathisants de la Famille Lavalas (FL), le parti
qu'il a fondé en 1996.
Pendant les sept années
qu'il a passées en exil en Afrique du Sud après le coup d'État
contre lui en 2004, la date était commémorée par de grandes
manifestations dans les rues de Port-au-Prince. Au cours des 25
dernières années, d'abord comme un prêtre salésien inspiré par
la théologie de la libération dans les années 1980, puis comme
président d’Haïti, élu à deux reprises (1990, 2000), deux fois
destitué (1991, 2004), Aristide était devenu un symbole des
revendications du peuple haïtien pour la justice, la démocratie
et la souveraineté. Il a reçu l’accueil spontané d’un héros de
la part de dizaines de milliers de personnes quand il est
finalement retourné en Haïti le 18 mars à bord d'un jet privé
sud africain. Au grand dam des pouvoirs étrangers et de l'élite
haïtienne qui l'a renversé, il restait alors, et reste encore
aujourd'hui, durablement populaire.
Mais Aristide est également
aussi sous la menace d'attaque imminente. Depuis son retour, il
ne s'est aventuré hors de son domicile à Tabarre, qu’à deux
reprises, mais brièvement et secrètement pour ne pas générer des
foules, qui mettent en danger sa sécurité et celle de ses
partisans.
Le président
néo-duvaliériste Michel Martelly, dans le passé, n'avait pas
caché son antipathie pour Aristide. Il a récemment réduit
l’équipe de sécurité d'Aristide et a repris le véhicule du
gouvernement que l'ancien président René Préval avait fourni à
Aristide à son retour.
Dans un geste faussement
magnanime, Martelly a récemment suggéré qu'il accorderait à
Aristide une «amnistie» (qu’il a proposée aussi pour l'ancien
dictateur récemment retourné Jean-Claude Duvalier), même quand
Aristide n'a jamais été inculpé, et encore moins condamné, de
quelque crime que ce soit.
Cela pourrait bientôt
changer. Des porte-parole de la droite, comme l'ancien agent de
l’Institut républicain international (IRI) Stanley Lucas,
l’historien pro-putsch Michel Soukar, et l'ancien porte-parole
de l'opposition anti-Aristide Sauveur Pierre Etienne sont tous
allés sur les ondes en Haïti et en diaspora pour appeler à la
poursuite d'Aristide avec des accusations sinistres et farfelues
de corruption et d’assassinat politique.
Haïti Liberté
a aussi
appris de source secrète qu’une équipe du gouvernement américain
(ce n’est pas la première fois) mène des enquêtes autour
d’Aristide dans le but de concocter une plainte crédible contre
lui pour violation des droits humains.
Ce n'est pas une
surprise, puisqu’en passant en revue quelque 1918 câbles
diplomatiques secrets d'avril 2003 à février 2010 obtenus par
l’organisation médiatique Wikileaks, Haïti Liberté a appris que
le Département d'Etat américain a clairement fait pression pour
l'enlèvement d'Aristide du pouvoir en Février 2004 et s'est
opposé à son éventuel retour en 2011.
Les câbles montrent
également que les Etats-Unis de connivence avec la France et le
Canada, à plusieurs reprises ont joué de leur poids
diplomatique, pour s’opposer au retour d’Aristide dans son pays,
malgré la résistance venue de plus petits pays. Ils montrent
également que l’éviction d'Aristide aussi bien que son exil
forcé avaient reçu la bénédiction du Vatican.
Le gouvernement américain a
maintenu publiquement qu’Aristide a choisi de quitter Haïti de
son propre chef. Alors qu’Aristide a qualifié sa prise sous
escorte par une l’équipe SEAL de la force navale des E.-U, au
moment de son vol vers l’exil, "un enlèvement moderne".
Les Bahamas expriment de
la «sympathie» pour Aristide,
se plaignant de la «mauvaise
disposition» des Etats-Unis.
La mine de communications
diplomatiques obtenues par Wikileaks ne comprend malheureusement
pas les nombreux câbles de l'ambassade à Port-au-Prince jusqu'en
Mars 2005. Toutefois, des câbles secrets de l’archipel voisin
des Bahamas en 2003 et 2004 montrent clairement l'hostilité de
Washington envers Aristide.
Le tout premier câble
parmi les 1918 que Wikileaks a fournis à Haïti Liberté provient
de l'ambassade américaine à Nassau en date du 17 avril 2003.
Dans ce document, l'ambassadeur américain J. Richard Blankenship
rend compte d’une réunion où le ministre des Affaires étrangères
des Bahamas Fred Mitchell « décrit la position américaine sur
Haïti comme " mal disposée," et a appelé à la poursuite du
dialogue. »
Washington avait cherché à
invoquer une clause de la « Charte interaméricaine démocratique
» de l'interventionniste Organisation des Etats américains, dans
une tentative de trouver quelque levier pseudo-juridique pour
éliminer Aristide. Mais « Mitchell a rejeté la possibilité
d'invoquer les dispositions de la Charte démocratique de l'OEA,
en disant que bien que "Certaines personnes soutiennent qu’elles
s’appliquent en Haïti ... Je pense que c'est aller un peu trop
loin," » a déclaré le câble.
Washington était conscient
que le gouvernement du Premier ministre des Bahamas Perry
Christie travaillait pour consolider le gouvernement d'Aristide
assiégé, et Blankenship a conclu son message sur un ton
sarcastique: « Tandis que les Bahamas restent engagés auprès
d’ Haïti, le gouvernement de Christie va résister à tout effort
de durcir la donne dans le sens de tout effort diplomatique à
pressurer le président Aristide, préférant les échanges parlés
(indéfinis) et le dialogue à l'alternative. »
Il y a un autre câble
de l'ambassade de Nassau par le Chargé d'affaires Robert M.
Witajewski daté du 23 février 2004, un an plus tard et une
semaine avant le coup d'état. Lors d'une rencontre le 19
février, « Le Premier ministre Christie est venu deux fois à la
table du Chargé lui demander une réunion “d’urgence” », a écrit Witajewski. Après la réunion qui s'est tenue le lendemain,
Witajewski note que le Premier ministre des Bahamas "compatit
aux préoccupations d’Aristide."
Christie a revu avec
Witajewski comment, aux Nations Unies, quelques jours
auparavant, le Ministre des Affaires étrangères Mitchell « avait
appelé la communauté internationale à "fournir une assistance
sécuritaire immédiate pour apporter de la stabilité à Haïti,
notamment en aidant l'autorité légitime d'Haïti à rétablir la
loi et l'ordre et à désarmer les éléments qui aujourd'hui
cherchent à renverser violemment le gouvernement, et qui ont
interrompu l'aide humanitaire" », a écrit le Chargé. « Mitchell
a continué d’utiliser - pour lui –un langage exceptionnellement
dur: "Ces bandes armées qui cherchent maintenant à renverser
l'ordre constitutionnel devraient être invitées à déposer leurs
armes et si non elles devraient être désarmées." »
Christie a plaidé auprès de
Washington qu’« il reconsidère sa position contre la fourniture à
la police haïtienne d’armes létales, et au minimum qu’il fasse
plus pour soutenir la police haïtienne avec des moyens non-létaux
», note le câble. Le Bahaméen « a fait montre d’une
certaine sympathie pour le prétendu dilemme d'Aristide, disant
au Chargé que "tout simplement, en aucune façon un corps de
police démoralisé de moins de 5.000 agents ne peut maintenir la
loi et l'ordre dans un pays de plus de 7 millions." »
Malheureusement, il semble
que Christie, de façon désespérée, ne savait rien non plus des
menées des forces internationales soutenant le coup d'Etat qui
allait s’accomplir, parce que lors des appels téléphoniques
quotidiens avec le Président Aristide, le câble dit, «il avait
souligné l'importance pour Aristide de faire appel directement
aux États-Unis ,à la France ou au Canada pour de l'aide à
rééquiper la police haïtienne pour que le droit et l'ordre
puissent être rétablis », c’est-à-dire demander l’aide des pays
qui justement appuyaient le coup d’Etat.
Christie a été apparemment
si ignorant du rôle des Etats-Unis dans le coup, en train de se
dérouler qu '« il avait été en contact avec les membres du Black
Caucus du Congrès américain pour apaiser leurs "profondes
inquiétudes" au sujet de la "bonne foi "des Etats-Unis et
d'autres à la recherche d’une résolution de la crise en Haïti,
»
inquiétudes qui se sont avérées être totalement justifiées.
Dans son évaluation
peut-être la plus naïve, Christie a pressé le secrétaire d'Etat
adjoint U.S, Roger Noriega, l'un des critiques les plus amers
d'Aristide dans le gouvernement américain, de venir au secours
du président assiégé, face aux appels à renverser Aristide par
le "Groupe des 184" concocté par l'IRI, dirigé par le magnat
des ateliers de misère, Andy Apaid. « Christie a déclaré qu'il
était confiant que A / S Noriega "avait l'influence " pour
convaincre le leader de l'opposition haïtienne Apaid, et que,
une fois Apaid signerait un accord, le reste de l'opposition
"suivrait" en autorisant le Président Aristide à finir son
mandat car ils ne pouvaient pas s'organiser pour gagner une
élection à l’époque, » a écrit Witajewki.
Peut-être que Christie se
faisait des illusions en pensant que les Etats-Unis
reconnaîtraient la popularité d'Aristide. Christie en avait été
un témoin de première main en tant que l'un des quelques chefs
de gouvernement à assister à la célébration du bicentenaire
d’Haïti le 1er janvier, 2004, à laquelle des dizaines de
milliers ont participé en dépit d'un boycott de l’opposition et
de la “communauté internationale”. Christie « a précisé sa
position que le président Aristide représente le dirigeant
constitutionnel légitimement élu en Haïti », a écrit Witajewski,
et a également fourni « une évaluation de l'état de l'opposition
haïtienne à partir de sa position de politicien en exercice.
"Même en prenant un an pour s’organiser," a-t-il dit,
"l'opposition n’aura pas l’équivalent du niveau de soutien dont
jouit Aristide, et perdrait si Aristide décidait de faire
campagne à nouveau, ce qu'il ne fera pas." »
Dans un câble dès le
lendemain, le 24 février 2004, Witjewski rapportait que « les
Bahamas cherchent le soutien actif des Etats-Unis comme le "plus
important " membre du Conseil de sécurité au moment de
s'engager dans une pression diplomatique diplomatiques de grande
envergure pour parvenir à la paix en Haïti » et avait « conclu
qu’une issue pacifique sans intervention internationale est de
plus en plus improbable. »
En bref, malgré la
sympathie de Christie pour la situation d’Aristide, il « s’en
remet aux Etats-Unis comme le grand boss ("Top Dog ")
», a
conclu le câble du 23 février.
A suivre |