Le troisième Premier ministre désigné par le
président Joseph Michel Martelly, le docteur, Garry Conille a
fait le dépôt de ses pièces le jeudi 8 septembre 2011, au bureau
de la Chambre des députés, de la 49e législature. Entretemps,
les débats vont bon train dans les médias sur sa résidence,
parce qu’il a quitté le pays depuis 7 ans pour se mettre au
service de l’Organisation des Nations Unies. Dans les
intervalles, un incident s’est produit deux jours après le dépôt
de ses pièces, le samedi 10 septembre, à l’hôtel Karibe
Convention Center entre le Premier ministre désigné et les
membres du cabinet du président Martelly.
Et alors,
qu’est-ce qui était à la base de cet incident ? Selon les
informations diffusées, le chef du cabinet de Martelly, Thierry Mayard Paul accompagné de la femme du président, Sophia Martelly,
des conseillers du président dont Patrick Rouzier, tous flanqués
d’un commando, ont débarqué à l’hôtel où le Premier ministre
désigné participait à un Forum du secteur privé des affaires. On
lui a intimé l’ordre de signer une lettre de démission non datée
avant même sa ratification. C’est un truc politique éhonté,
qu’on n’a jamais vu dans les annales de la pratique politique en
Haïti, ou ailleurs. Cette lettre aurait permis au président
Martelly d’obtenir la démission forcée de l’éventuel Premier
ministre, Garry Conille le cas échéant.
Le Premier ministre désigné aurait catégoriquement refusé ce
ténébreux forcing et aurait même considéré de préférence de se
retirer du processus de ratification avant d’annuler la
rencontre prévue avec le Forum. Suite à cette altercation,
diverses sources ont fait état d’intenses communications
téléphoniques avec les missions diplomatiques. D’après nos
dernières informations le Premier ministre désigné s’était
entretenu le même jour avec le président et la situation,
semblerait-il, se serait normalisée. Le président aurait rassuré Conille que jamais la présidence n’avait pris la décision de
lui faire signer une telle lettre ou un quelconque autre
document, comme condition préalable à son accession à la
Primature. De qui donc était cette malencontreuse, honteuse et
pitoyable initiative ?
Thierry Mayard Paul et les autres conseillers de Martelly se sont-ils
permis tout seuls de se laisser aller à une manœuvre aussi
déshonorante et aberrante ? Si tel est le cas, des sanctions
devraient être prises immédiatement contre les présumés
imposteurs. Après l’incident du samedi au Karibe, aucun
communiqué officiel n’a été émis pour expliquer ce qui s’était
réellement passé. Certains critiquent toujours l’entourage de
Martelly qui s’oppose au choix du président. Tel était aussi le
cas pour les deux premiers candidats à la Primature.
D’un autre
côté, la question relative à la résidence du candidat à la
Primature ne cesse de soulever des polémiques au niveau du
Parlement haïtien, de la classe politique traditionnelle et dans
le milieu des hommes de la basoche. Certains évoquent à bon
escient la constitution haïtienne de 1987 d’autres se réfèrent
aux règlements des Nations Unies selon lesquels les
fonctionnaires de cette organisation ne changeraient pas de
résidence en s’expatriant. Donc entre les prescrits de la loi
mère de la nation et les règlements d’une organisation mondiale
lesquels devraient être appliqués dans l’étude des dossiers de Garry Conille.
De toutes
évidence, la constitution haïtienne de 1987 est claire
là-dessus : l’alinéa 5 de l’article 157 est ainsi libellé : «
Résider dans le pays depuis cinq (5) années consécutives».
Pourtant, durant les sept (7) dernières années, le Premier
ministre désigné, Garry Conille n’était pas dans le pays, ce qui
constitue un véritable obstacle à sa ratification. Sans doute le
président Martelly a indiqué : « Avant de désigner Monsieur
Conille, j’ai consulté mon équipe juridique », mais il n’a
pas relevé le rôle joué par l’ex-président des Etats-Unis, Bill
Clinton dans ce choix. Certains disent que c’est un choix
imposé.
Dans la foulée,
l’ancienne candidate à la présidence et professeure de droit
constitutionnel, Mirlande Hyppolite Manigat a fait la différence
entre un fonctionnaire des institutions internationales et un
diplomate, et elle exige le respect de la loi mère de la nation
: « En ce qui concerne le respect des conditions énumérées à
l’article 157, concernant la résidence, j’ai entendu avec
beaucoup d’intérêts des déclarations faites par-ci par-là. Le
statut du fonctionnaire international, ce n’est pas celui d’un
diplomate, non plus le statut d’un Haïtien qui représente
d’Haïti dans une organisation internationale. Eric Pierre par
exemple, par deux fois avait été désigné pour être Premier
ministre, il représentait Haïti à la Banque Interaméricaine de
Développement (BID), donc il bénéficiait de ce qu’on appelle
l’extraterritorialité dont bénéficient les diplomates. Le
diplomate par définition, ne vit pas en Haïti, il représente son
pays et bénéficie du principe d’extraterritorialité. Tandis que
des Haïtiens qui travaillent dans des organisations
internationales, NON. Ils n’ont pas le statut de diplomate et ne
bénéficient pas du principe d’extraterritorialité »,
a-t-elle expliqué.
Au niveau du
Parlement, les opinions sont partagées, l’intérêt personnel
semblerait l’emporter sur les intérêts supérieurs de la nation
et les lois de la République. Le président du bloc majoritaire à
la Chambre des députés, se dit prêt à accorder son vote au
Premier ministre désigné. En se référant aux principes du droit
international, il a précisé que Garry Conille peut demeurer au
Niger, tout en résidant en Haïti, en sa qualité de haut
fonctionnaire des Nations Unies, citant également un ensemble
de conventions et de résolutions des Nations Unies en faveur du
Premier ministre. Le président du Sénat, Rodolph Joazile de son
côté a déclaré : « Aujourd’hui, l’ambiance est plus ou moins
décrispée et si monsieur Conille répond aux exigences
constitutionnelles, je pense qu’il n’aura pas trop de
difficultés à arriver à être ratifié au niveau du Sénat. »
Le
coordonnateur de la plateforme politique de l’INITE, majoritaire
au Sénat et leader du groupe des 16, tombeur du deuxième
Premier ministre désigné par Martelly, Bernard Gousse, a évoqué
une possibilité de ratification de Garry Conille, s’il répond
aux exigences constitutionnelles et les critères politiques,
mais de toute façon les doutes et les suspicions restent très
élevés.
Le sénateur des
Nippes, Jean William Jeanty, pour sa part, ne cache pas sa
position : Garry Conille ne répond pas au profil du Premier
ministre recherché. « Je ne peux pas dire que le Premier
ministre désigné correspond au consensus que nous recherchions.
Il ne correspond pas à ce qui a été discuté dans les différents
secteurs, il ne correspond pas au profit du personnel qui
faisait l’objet de consensus. Il est clair qu’il est un cheveu
dans la soupe, donc il ne correspond pas du tout, en même temps
il y a un ensemble de problème au niveau de son dossier. Ils
disent qu’il ne réside pas en Haïti, depuis 2004, il ne
travaille pas en Haïti. Donc il n’a pas de résidence en Haïti,
il semble qu’il n’est pas [propriétaire] et qu’il ne paie pas
ces taxes ici … », a-t-il fait remarquer.
Le vice-président du Sénat
reste ferme sur sa position, il a réaffirmé qu’il ne votera pas
un candidat qui ne respecte pas strictement les prescrits de la
constitution, qui recommande d’avoir résidé dans le pays au
moins cinq (5) ans pour qu’un citoyen haïtien devienne chef du
gouvernement.
Le leader du Mouvement des
Paysans de Papaye (MPP) Chavannes Jean Baptiste va plus loin,
selon lui, cette désignation constitue un abandon total de ce
qui reste de la souveraineté nationale. Il a protesté contre
l’ingérence étrangère dans la nomination d’un fonctionnaire des
Nations Unies dont la présence sur l’échiquier politique
viserait définitivement à consacrer la mise sous tutelle
d’Haïti. Il dénonce également la violation flagrante de
l’article 157 de la Constitution dont les dispositions relatives
au nombre d’années de résidence serait incompatible avec la
situation actuelle du candidat à la Primature.
Il est clair aujourd’hui qu’en Haïti il y a un
pouvoir de doublure avec la présence de l’ex-président des
Etats-Unis, Bill Clinton au palais national, à la tête d’un
soi-disant « Conseil Consultatif présidentiel pour le
développement économique et les investissements. » La main
invisible de Bill Clinton dans la désignation de Garry Conille
n’est pas un secret pour les gens avisés. De plus Garry Conille
était le chef du Bureau de Bill Clinton comme coprésident de la
Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) et
envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon. Pour
imposer Garry Conille comme Premier ministre, toutes lois du
pays devront être bafouées pour satisfaire les intérêts des
grandes puissances impérialistes et ceux des grands mangeurs
locaux. |