Par Kim Ives
FLASH: Quelques heures après cet article a été publié dans la
matinée du 15 août, le Palais National a annoncé que Godson
Orélus remplacerait Mario Andrésol comme chef de la police
d'Haïti. Pour comprendre pourquoi, lisez la suite.
Mario
Andrésol est l'un des hommes les plus puissants d'Haïti. Il
dirige la seule force publique armée en Haïti, les presque
11.000 membres de la police nationale haïtienne (PNH). La force
est officiellement un organisme civil autonome; son chef, appelé
le Directeur Général, est nommé par le président, puis ratifié
par le Parlement.
Andrésol dirige
la force depuis Juillet 2005, quand il fut nommé, grâce à
l'appui des États-Unis, sous le gouvernement de facto, installé
par un coup d'Etat que dirigeait le Premier Ministre Gérard
Latortue.
A cette époque,
il n'y avait pas eu de Parlement qui fonctionnait. Mais le 7
Février, 2006, des élections ont porté le président René Préval
au pouvoir avec un nouveau parlement le 14 mai 2006. Un mois
plus tard, les États-Unis ont fait pression sur Préval, désireux
de mettre quelqu'un de nouveau, pour qu’il nomme à nouveau
Andrésol en tant que chef de la police le 14 juin, et le 5
juillet, 2006 le nouveau Parlement le ratifiait pour trois ans.
Le 14 juillet
2009, Préval renouvelait le mandat d’Andrésol sous pression de
Washington. Son troisième mandat, également pour trois ans, fut
ratifié par le Parlement le 18 août 2009.
Ce terme
prendra fin le 18 août 2012. Mais Andrésol et Washington font
pression sur le Président Michel Martelly pour qu’il renouvelle
le mandat du chef de la police une fois de plus.
Selon un ancien
fonctionnaire de la police, haut placé avec une connaissance
intime et des contacts bien placés dans l'appareil de sécurité
en Haïti, deux secteurs de la classe dirigeante se battent pour
le poste: le secteur « bourgeois » pro-américain,
représenté par le Premier ministre Lamothe Laurent, et le
secteur « macoute » des cartels de la drogue, représenté
par la famille de la première dame, les Saint-Rémy, et les
anciens sénateurs puissants comme Youri Latortue et Joseph
Lambert.
En Mars,
Haïti Liberté publiait un
long exposé basé sur les câbles secrets de l’ambassade
américaine qui lui furent fournis par l’organisation médiatique
WikiLeaks. Les câbles ont révélé que Andrésol a été un pion
préféré de Washington (voir Haïti Liberté, Vol.5, n ° 37,
le 28 mars 2012).
Par exemple,
dans
un câble de novembre 2006, un officiel de l'ambassade des
États-Unis a fait l'éloge de ce qu'il percevait comme «
l'engagement [de Andrésol]... à réformer la PNH [police
nationale haïtienne], à s'attaquer à la corruption, et rétablir
la loi et l'ordre dans tout le pays. »
Cependant un
examen du dossier d’Andrésol au cours des sept dernières années
révèle qu'il a ou bien fermé les yeux, jusqu’à tolérer la
participation des fonctionnaires de haut rang de la police dans
l'enlèvement, le trafic de drogue, la corruption, et même des
assassinats. Voici une étude de quelques-uns des cas les plus
éhontés et les plus récents des malversations de la PNH
sous la direction d’Andrésol.
Participation de la
police dans le kidnapping et les meurtres
En avril 2012, Emane “Jacques” Jean-Louis, propriétaire de
l'entreprise Sourire Rent-a-Car, une compagnie de location de
voitures à Tabarre, fut enlevé. Sa famille paya finalement
environ $800.000 de rançon aux kidnappeurs, et il fut
libéré.
Mais, immédiatement après sa libération, Emane
introduisit une plainte contre la PNH pour participation des
agents de la police à son enlèvement, selon l'ancien
fonctionnaire de la police de haut rang qui a requis l’anonymat. Emane a donné le numéro de la plaque d'immatriculation
d'un véhicule de la police utilisé et les noms de plusieurs des
policiers impliqués. Jusqu'à présent, la Police n’a entrepris
aucune action pour arrêter n'importe lequel de ceux-là que
Emane
accuse d'avoir aidé à le kidnapper.
Il y a aussi le
cas de l’homme d’affaires Richardson Croicy au Cap-Haïtien. Il a
été kidnappé le 22 mai 2012, puis assassiné. La juge
d'instruction Heidi Fortuné a émis plus de 15 mandats d'arrêt
contre sept policiers qu'elle croyait impliqués dans
l'enlèvement et l’assassinat. Cependant Carl Henri Boucher,
directeur de la police du Département du Nord, a refusé
d’exécuter les mandats du juge d'arrêter les policiers et a même
facilité qu’ils échappèrent à la justice.
« Boucher
est un très proche collaborateur d’Andrésol », a dit
l’ancien fonctionnaire de la police de haut niveau à Haïti
Liberté. « Andrésol l’avait envoyé aux États-Unis pour la
formation des policiers, et une fois que vous obtenez votre
formation aux États-Unis, vous faîtes en effet partie du cercle
intime d’Andrésol ».
Le
Nouvelliste du 25 juin 2012 a signalé que « selon une
source proche de l'enquête, la majorité des policiers impliqués
dans le dossier ont déjà quitté le pays à destination de
Providentiales via la République dominicaine ».
Un autre cas
choquant d'une apparente protection (cover-up) de la
police a été l'enlèvement et le meurtre d'une jeune femme
haïtienne, Monique Pierre. Après une condamnation pour trafic de
drogue, Mme Pierre, 35 ans, avait été expulsée des États-Unis où
elle aurait fait une rondelette fortune. Mais le 29 novembre
2008, elle fut kidnappée et retrouvée morte avec deux balles
dans la tête et les yeux crevés.
Le chef de la
police des Gonaïves, Ernst Dorfeuille, était l'amant de Mme
Pierre et le suspect numéro un dans le cas, accusé par les
enquêteurs de liens avec les kidnappeurs de Mme Pierre. Il a été
également rapporté que le véhicule affichant une plaque
d'immatriculation attribuée à Joseph Lambert, sénateur puissant
du sud-est d'Haïti, était impliqué dans l'enlèvement. Néanmoins,
l'enquête n’a jamais abouti, et ni Dorfeuille (qui a été
brièvement arrêté) ni Lambert n'ont jamais été inculpés. Le
crime reste non élucidé.
Plus récemment,
le 12 juin 2012, des policiers de la Brigade d'intervention
motorisée (BIM) ont tué deux jeunes hommes, Makenson Saint-Vil,
27 ans, et Reginald Lhérisson, 23, à la maison où ils vivaient.
Des témoins affirment que les deux jeunes hommes n'avaient rien
fait pour provoquer leurs meurtres et avaient été abattus de
sang-froid. Jusqu'à maintenant, deux mois plus tard, la police
n'a encore arrêté aucun des policiers impliqués ni procédé à une
enquête des meurtres en dépit des
manifestations de rue réclamant la justice pour les deux
victimes.
À la fin de
2010, Andrésol a concédé, lors d’une émission de radio,
qu’environ 25% de ses hommes auraient été impliqués dans des
activités criminelles. En novembre 2006, Michel Lucius, le chef
de la Police Judiciaire (DCPJ), l’unité principale
d'investigation en Haïti, a été congédié et arrêté pour son
implication dans des enlèvements. Il a été libéré en décembre
2007, malgré la protestation du juge qui avait délivré le mandat
d'arrêt initial.
Corruption de la police
Il existe de nombreuses histoires de corruption de la police,
mais aucune n'est plus spectaculaire que ce qui s'est passé dans
la ville du nord-ouest de Port-de-Paix il y a quatre ans, en
grande partie parce que aucune des autorités impliquées n'a
jamais été condamnée pour ce crime.
Le 12 novembre
2008 dans le quartier Lavaud de Port-de-Paix, les autorités
haïtiennes perquisitionnaient le domicile de Marc Frédéric,
l'oncle de l'accusé trafiquant de drogue Alain Désir, qui avait
été arrêté aux Etats-Unis trois semaines plus tôt. Le raid fut
réalisé par quatre fonctionnaires du ministère de la Justice, 18
officiers de police, et un représentant de la Mission des
Nations Unies pour stabiliser Haïti (MINUSTAH).
Une quantité
énorme et encore inconnue d’argent fut trouvée dans la maison et
répartie entre les policiers et judiciaires concernés (mais pas
le représentant de la MINUSTAH), selon les rapports de presse et
un rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains
(RNDDH).
Les
fonctionnaires ont prétendu plus tard que des flics corrompus
avaient pris une somme d'environ $ 1,7 millions, mais les
enquêteurs estiment l'argent volé à plusieurs millions de
dollars.
Au cours des
deux jours suivants, les officiers de la police ont partagé le
butin avec huit autres fonctionnaires de la justice et des
policiers à Port-de-Paix.
Andrésol
finalement avait annoncé 26 arrestations pour interrogatoire, 19
policiers et sept fonctionnaires du tribunal. Mais aucune
condamnation n’a jamais eu lieu, et tous les intéressés (sauf
celui qui est mort) sont maintenant libres.
Le commissaire
Bernard Mary Dadaille, chef de la police du département du
Nord-Ouest, est allé à la direction générale de la police à
Port-au-Prince, quelques jours après le raid à Lavaud.
« Dadaille
avait apporté une grosse somme d'argent pour être partagée avec
le haut état- major de la police à la capitale », a expliqué
notre source de police haut placée. « Mais l’histoire de
l'argent pris dans le raid à Lavaud était déjà dans tous les
médias, et Andrésol ne voulait pas être impliqué. Il a fait en
sorte que Dadaille fuie le pays vers la République dominicaine,
où on l’a perdu de vue».
Pour la forme,
le 28 janvier 2009, la police a perquisitionné le domicile de
Dadaille à Carradeux, une banlieue de Port-au-Prince, mais les
policiers ont annoncé qu'ils n'avaient pas trouvé le chef de la
police ou quelqu’évidence de sa présence.
Parmi les
personnes arrêtées à la suite du raid il y avait Jean Raymond
Philippe, qui avait été le chef adjoint du Département du
Nord-Ouest sous Dadaille. Mais le 11 janvier 2009, Philippe est
mort dans des circonstances mystérieuses alors qu’il était aux
mains de la police judiciaire, qui a prétendu qu'il s'était
suicidé en buvant de l'acide de batterie.
La femme de
Philippe, Jeannette Désir Philippe,
s'est rendue à Radio Kiskeya le 23 janvier 2009, où «
avouant son désespoir, la veuve a indiqué que dans sa dernière
conversation avec Jean-Raymond Philippe, quelques heures avant
sa mort, le 12 janvier dernier, rien ne laissait présager ce
scénario-catastrophe », selon ce qu’a rapporté la radio. «
Mais, la veuve n’a pas caché son étonnement de voir les
autorités la placer sous investigation judiciaire dans le cadre
de l’enquête ouverte sur le pillage présumé de narcodollars lors
d’une perquisition chez l’oncle d’Alain Désir. Lors d’un
deuxième appel téléphonique effectué dans la même journée,
Jeannette Désir Philippe n’avait pu parler à l’officier de
police qui ne répondait que par des gémissements continus. Une
autre personne qui s’était saisie du combiné avait obstinément
refusé de s’identifier, a raconté l’épouse, désabusée ».
La veuve a
déclaré que « son époux, avec qui elle vivait depuis 22 ans,
était un homme modeste et honnête qui a consacré 31 ans au
service de son pays, au sein des Forces Armées d’Haïti, puis de
la Police Nationale », a rapporté la radio.
En fin de
compte, le mystère de la mort de Philippe, le vol de Dadaille,
et la disparition de millions de dollars de la maison de Marc
Frédéric n'ont jamais été résolus et personne ne fut jamais
poursuivie, encore moins condamnée.
La torture et la mort de
Serge Démosthène
Peut-être le cas le plus accablant contre Andrésol est la
torture et la mort de Serge Démosthène, âgé de 44 ans, le 15
juin 2011. La veille, la police avait arrêté Démosthène avec un
autre homme, Feckel Plaisimond, suite à l'assassinat le 12 juin
de Guiteau Toussaint, le directeur de la Banque National de
Crédit (BNC). Les deux hommes furent emmenés à la station de
police à Pétionville. La police tortura Démosthène à mort dans
un effort de lui faire confesser l’assassinat. Le commissaire du
gouvernement près du tribunal civil de Port-au-Prince, Me
Harrycidas Auguste, aurait été témoin du meurtre de Démosthène.
Il a été établi
plus tard que Démosthène et Plaisimond, étaient tous deux
innocents. Plaisimond fut libéré sans jugement après avoir été
emprisonné pendant plusieurs mois.
L’inspecteur
général Fritz Jean de la PNH s’est penché sur le cas et a arrêté
Vanel Lacroix, le chef de la PNH à Pétionville, qui avait
supervisé la torture. Mais l'arrestation a provoqué une crise au
sein de la police.
« Vanel
Lacroix était un très proche d’Andrésol », a dit notre
source policière. « Donc, Andrésol a été furieux contre Fritz
Jean, lorsqu'il a arrêté Lacroix et l'a emprisonné. Le conflit a
créé un fossé énorme entre le numéro un et le numéro deux de la
PNH. Enfin, en septembre 2011, Fritz Jean a démissionné de son
poste et s'est enfui au Canada parce qu'il craignait pour sa vie
».
Dans sa lettre
de démission, Jean s’est plaint de ce que Andrésol était à
l’origine du blocage de son enquête sur la mort de Démosthène,
par exemple, en procédant au transfert de l’enquêteur unique de
Jean, Jude Altidor.
« J'attire
l'attention des autorités de l'Etat, de mes supérieurs et de la
société que ce transfert survenu suite au résultat de l'enquête
diligentée autour du décès du nommé Serge Démosthène au
commissariat de Pétion-ville, .... a été orchestré par le
directeur général en vue de détruire l'élan, le dynamisme et
surtout l'indépendance de l'IGPNH dans la conduite de ses
enquêtes », a écrit Jean dans sa lettre. Tous ses efforts «
pour empêcher les violations des droits de l'homme par les
policiers, sont sapés par le directeur général », a conclu
Jean.
Notre source a
également rapporté que Démosthène avait été antérieurement le
gardien d’un terrain utilisé par Andrésol, et que les deux
hommes étaient en conflit. Ceci ajoute à la suspicion autour de
la mort de Démosthène et les prétendus efforts pour bloquer
son enquête.
L’assassinat de
Démosthène en garde à vue a provoqué l'alarme parmi les tuteurs
de la police en Haïti. En Décembre 2011, la branche de la
MINUSTAH qui s’occupe des droits de l'homme - le Bureau du Haut
Commissariat aux droits de l'homme - a publié
un rapport dans lequel il dit: « Le rapport constate
également que l’enquête de l’Inspection générale de la PNH sur
le décès de Serge Démosthène a provoqué des tensions avec la
Direction générale de la PNH qui posent la question de
l’indépendance et de l’Inspection générale de la PNH. Enfin il
fait état de possibles entraves à l’indépendance judiciaire au
cours de l’instruction de ce dossier ».
Fritz Jean hors
du poste d’inspecteur général, Lacroix fut libéré de prison, en
juillet, il y a trois semaies de cela, une libération qui a été
dénoncée par le RNDDH comme « scandaleuse ».
Un dossier de mauvaise
gestion
Il existe de nombreux
autres cas qui remettent en question le leadership de Andrésol.
Lorsque, par
exemple le Président Michel Martelly et son ministre de
l'Intérieur, à ce moment Thierry Mayard-Paul, ont ordonné le
27 octobre 2011 l'arrestation
illégale du député Arnel Bélizaire, qui en tant qu'élu jouit de
l'immunité d'arrestation, le chef de la police aurait dû
refuser. « Mais le chef de l'opération visant à arrêter
Bélizaire, Godson Orélus,à la tête de la DCPJ, a agi sur les
ordres de Mario Andrésol », a expliqué notre source
antérieurement haut placé. « Andrésol a dirigé l'opération du
commencement à la fin, comme il en a été fait témoignage au
Parlement ».
Un autre
exemple de corruption remonte à 2004. Après le coup d'Etat
contre le président Jean-Bertrand Aristide, le 29 février 2004,
plus de 100 policiers ont été révoqués. « Deux promotions de
police ont été formées sous Aristide », a dit notre source.
« Ils ont été congédiés, mais leurs chèques sont encore émis
chaque mois et vont à la Direction Générale, qui encaisse les
chèques et les utilise. Cela a commencé sous Léon Charles chef
de la PNH, mais s’est poursuivi sous Andrésol. En outre,
plusieurs agents de police qui restent en service bénéficient de
résidence aux États-Unis, en France, ou au Canada. Ils vivent à
l'étranger pendant des années, mais parce qu'ils sont proches d’Andrésol,
ils continueront à recevoir leurs chèques ».
Le public se
plaint constamment du manque de policiers en Haïti. Des 10.814
officiers de police en Haïti, seulement 2175 sont stationnés
dans les provinces en dehors de la capitale, selon
le Rapport de Stratégie Internationale de Contrôle des
Narcotiques de 2012 relevant du Département d’Etat américain (INCSR).
Cependant, « beaucoup de policiers sont utilisés comme agents
privés de sécurité pour des ex-parlementaires et des conseillers
présidentiels, qui n'ont pas le droit à la protection
personnelle de la police », a déclaré notre source. «
Tout garde de corps préposé à la protection
de ces gens devrait être engagé à titre privé, et non payé par
l'État haïtien. Mais quand vous êtes l'ami de Andrésol, ou de la
famille Saint-Rémy [la famille de l'épouse de Martelly], ou de
[l'ancien ministre de l'Intérieur] Thierry Mayard-Paul, ou de
Laurent Lamothe, les autorités vous fournissent sécurité.
Pendant ce temps, la population n'a pas une protection policière
».
Dans le même
ordre d’idées, quand les gens demandent de l'aide de la police,
on leur dit souvent que les policiers n'ont pas assez de
véhicules pour répondre aux appels. « Cependant, n’importe
quelle matinée donnée, vous verrez des policiers dans leur
pick-ups de police conduisant leurs enfants à l'école, leurs
femmes à leur lieu de travail, ou à un studio pour faire leurs
ongles et leurs cheveux », a dit notre source haut placé . «
Peut-être même qu’ils utilisent la voiture pour faire des
courses dans une autre ville. Tout cela contribue à
l'insécurité. »
Mauvaise alternatives
Comme nous l'indiquions dans notre article sur le chef de la
police en Mars, il y a eu un conflit entre Andrésol et le
président Martelly.
D'une part, les
États-Unis, qui contrôlent et paient pour le plus gros de la
formation de la police d'Haïti, approuvent Andrésol et
souhaitent voir son mandat renouvelé pour trois autres années.
Mais il y a un autre concurrent pour le poste: l’actuel numéro
trois de la PNH, Godson Orélus, directeur de la Police
Judiciaire (DCPJ), soit l'équivalent du FBI en Haïti.
« Godson
Orélus jouit du support du secteur du trafic de la drogue, des
gens comme la famille Saint-Rémy [ la Première Dame d'Haïti
Sofia Martelly], et d’anciens sénateurs comme Youri Latortue et
Joseph Lambert, qui sont maintenant proches conseillers de
Martelly », a déclaré notre ancien responsable de la police
hautement placé. « Ils mettent beaucoup de pression sur
Martelly pour nommer Orélus comme le prochain chef de la police
».
Après le putsch
de 2004, Orélus avait été nommé directeur de la police du
département du Sud par le chef de la PNH d’alors, Léon Charles.
« Il avait deux missions », explique notre source: «
La première consistait à pourchasser, neutraliser, et à
terroriser tous les militants Lavalas, tous les partisans
d'Aristide. La seconde était d'assurer la livraison sans
problème de la drogue en provenance d'Amérique du Sud. Godson a
très bien effectué les deux missions, si bien que les types de
la DEA ont demandé au gouvernement de Latortue de transférer
Orélus parce qu'ils pouvaient se rendre compte qu’il ne
contribuait pas à combattre le trafic de drogue dans le
département du Sud. Donc Orélus fut transféré pour devenir le
directeur de la PNH de l'Artibonite, où il devint l’homme de
main du sénateur Youri Latortue [de l'Artibonite] ainsi que de
la famille Saint-Rémy originaire des Gonaïves ».
Notre source
indique également que « Orélus a payé au sénateur Joseph
Lambert une grande quantité d'argent pour qu’il soit son homme
au Sénat ». Les mandats des sénateurs Lambert et Latortue
ont expiré en mai.
Par conséquent,
le président Michel Martelly se trouve entre les deux factions
en guerre dans son gouvernement. D'une part, le Premier ministre
Laurent Lamothe représente l'aile «bourgeoise» du régime,
et il semble être en train de se rapprocher de Washington dans
une alliance plus étroite (surtout après sa visite à Washington
les 23-24 juillet) et va sûrement faire pression pour Andrésol à
nouveau.
D'autre part,
il y a l’aile plus « macoutique » du régime, impliquée
dans le trafic de drogue, représentée par la famille Saint-Rémy
(principalement le beau-frère de Martelly, Kiko St. Rémy), Youri
Latortue, Joseph Lambert, et les frères Mayard-Paul, Thierry et
Grégory, aujourd’hui les deux conseillers présidentiels.
«
Fondamentalement, nous assistons à une lutte entre le secteur de
l’industrie de sous-traitance / télécommunications, dirigé par
Lamothe, en faveur d’Andrésol, et le secteur des drogues, dirigé
par Sofia, en faveur d’Orélus », a résumé notre ancien
fonctionnaire de haut rang de la police.
Martelly est
plus susceptible de pencher vers les États-Unis et le secteur
Lamothe en raison de l’actuel rapport de forces en Haïti, prédit
notre source, « mais nous ne pouvons pas sous-estimer la
pression qui peut être apportée par Sofia, qui est un peu comme
Michelle Bennett [l'épouse de Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier de
1980 à 1986], ainsi que des conseillers comme les Mayard-Paul,
Youri Latortue, et Joseph Lambert. Martelly va vraiment se
sentir sous le feu des deux parties. »
Martelly devra annoncer sa décision avant le 18 août
lorsque prendra fin le mandat de Andrésol. Son dilemme tient
bien dans un proverbe haïtien: « Chen gen kat pye, men li ka
mache nan yon sèl chemen ». Un chien a quatre pattes, mais
il ne peut suivre qu’un seul chemin. |