Youri Latortue est l’un
des politiciens les plus puissants d’Haïti.
Sénateur au
franc-parler, il est un allié du président haïtien Michel
Martelly. Tous deux comptent parmi les principaux défenseurs du
rétablissement de l’armée haïtienne démobilisée. Il a soutenu le
candidat au poste de Premier ministre de Martelly, l’homme
d’affaires néolibéral Daniel-Gérard Rouzier, qui a été rejeté
par le Parlement à l’occasion d’un vote le 21 juin.
Par ailleurs, Youri
Latortue est également un trafiquant de drogue, un parrain de
gang, et un chef d’escadron de la mort, selon le témoignage et
les rapports de nombreux collègues, témoins d’actes criminels et
fonctionnaires du gouvernement, haïtiens et internationaux.
En fait, « le
sénateur Youri Latortue pourrait bien être le politicien haïtien
le plus effrontément corrompu », d’après l’ambassade des
É.-U. Des câbles secrets du Département d’État des É.-U. obtenus
par l’organisme WikiLeaks et analysés par Haïti Liberté
dressent le portrait d’un caïd ambitieux sans vergogne et sans
scrupules, qui a aidé à renverser des gouvernements haïtiens et
qui a fait des Gonaïves, la quatrième ville d'Haïti, son fief
personnel.
Son ascension au
pouvoir
Né aux Gonaïves, Youri
Latortue a fréquenté l’École de droit à Port-au-Prince avant
d’être diplômé de l'Académie militaire d'Haïti en 1990. Il est
devenu lieutenant dans les Forces armées d'Haïti (FAdH),
enseignant brièvement à l'Académie militaire. Toutefois, après
le coup d'État du 30 septembre 1991 contre le Président
Jean-Bertrand Aristide, Latortue a rejoint les rangs de la
notoire unité antigang de l’armée (auparavant connue sous le nom
de Recherches criminelles) dirigée par le colonel Michel
François, l’un des principaux dirigeants du coup d'État.
« C’était de
notoriété publique qu’il avait pris part à nombre des meurtres
politiques durant le coup d’État de 1991-94, particulièrement à
celui du Père Jean-Marie Vincent au mois d’août 2004, » a
expliqué un ancien haut placé de l’appareil de sécurité du
gouvernement sous couvert d’anonymat. « Il était l’un des
chefs des ‘escadrons de la mort’ de Michel François.”
En 2004, une délégation
du Centre d’étude des droits humains écrivait qu’ « un ancien
haut placé de la police affecté à l’USGPN (sécurité du Palais),
Edouard Guerrier... fait valoir que Youri Latortue a participé
au meurtre en 1994 du prêtre catholique Jean-Marie Vincent
(comme l’indiquaient des témoins oculaires en 1995), et qu’il a
collaboré à l’assassinat en 1993 du militant pour la démocratie
Antoine Izméry ».
En 2005, un policier des
É.-U. avec la Force de police des Nations unies (UNPOL) a filmé
une interview qu’il a réalisée avec une jeune femme qui
craignait pour sa vie « parce que le 28 août 1994, j’ai été
témoin de l’assassinat par Youri Latortue du prêtre du nom de
Jean-Marie Vincent, », a-t-elle dit. La vidéo, diffusée en
octobre 2010 par le Projet d'information sur Haïti (HIP), est
maintenant disponible sur YouTube.
Elle décrit comment elle
a vu le prêtre conduire jusqu'à son entrée cette nuit là. «
C’est alors que j’ai vu... une camionnette blanche avec un
groupe d’hommes en noir », a-t-elle poursuivi. « J’ai vu
Youri... Je [n’ai pas reconnu] les autres. Mais la raison
pour laquelle j’ai reconnu Youri [est] parce qu’il savait
venir chez [nom retiré]. Et je l’ai vu sortir de la
[camionnette] et tirer sur la voiture. Mais à ce moment je ne
savais pas que [la victime] était un prêtre... Je ne
connaissais pas la personne qui se trouvait dans la voiture. » Ce
n’est que plus tard que j’ai appris de qui il s’agissait (voir
Haïti Liberté, Vol.4, No.14, 10/20/2010).
L’interview filmée a été
envoyée à HIP avec la note suivante : « L’ONU n’est pas
intéressée à poursuivre cette affaire ou à révéler cette preuve
malgré les déclarations d’un témoin oculaire que Youri Latortue
est celui qui a appuyé sur la détente et tué le Père Jean-Marie
Vincent le 28 août 1994.... C’est un déni de justice que l’ONU
ait refuse de faire part de ce témoignage au public. Ils sont
censés être impartiaux mais Latortue a des amis puissants à
l’ambassade des É.-U. qui le considèrent comme un atout depuis
son rôle après le renversement d’Aristide en 2004 ».
Après son retour d’exil
le 15 octobre 1994, Aristide a démobilisé les FAdH au début de
1995, et Latortue a été muté à la force de Police intérimaire,
composée d’anciens soldats des FAdH. Dr. Fourel Célestin, ancien
colonel des FAdH, a été nommé au poste de conseiller à la
sécurité du président Aristide, et il a proposé d’intégrer Youri
Latortue à la sécurité du Palais sous son égide.
« Aristide y était
totalement opposé car il avait entendu les rumeurs du rôle
meurtrier de Latortue durant le coup d’État », de dire
l’ancien membre du gouvernement. « Mais Célestin l’a
convaincu, arguant que le Palais se devait de posséder certains
des mauvais éléments de l’armée pour démanteler et neutraliser
la force ». Aristide a cédé.
En mars 1995, des
assassins inconnus ont abattu la porte-parole pro-coup d’État
bien connue, Mireille Durocher-Bertin, et un autre passager de
sa voiture la veille de la visite du président Bill Clinton en
Haïti. Cet assassinat a considérablement embarrassé le
gouvernement Aristide et Clinton. Une équipe d'agents du FBI a
passé du temps à enquêter sur le meurtre en Haïti, et Youri
Latortue comptait parmi leurs suspects. Washington a retiré le
visa de voyage aux É.-U. de Latortue.
Latortue a travaillé au
bureau du Palais de Célestin jusqu’en 1996, quand le président
René Préval a pris le pouvoir. Washington a insisté pour
que certains officiers des FAdH considérés comme étant trop
proches d’Aristide – Célestin, les majors Dany Toussaint et
Joseph Médard – soient écartés de la direction de la nouvelle
police et de deux nouveaux contingents de sécurité du Palais :
L’USP (Unité de sécurité présidentielle), semblable aux services
secrets des É.-U., et l’USGPN (Unité de
sécurité générale du Palais national). Lorsqu’ils ont été
démis de leurs fonctions, cela a laissé un vide dans le
commandement de la sécurité du Palais, un vide qui a été comblé
par Latortue. Il est devenu chef adjoint de l’USGPN sous Frantz
Jean-François. Deux agents de sécurité pro-Lavalas jugés plus
dignes de confiance – Nesly Lucien et Oriel Jean – ont été
choisis pour diriger l’USP. Cet arrangement a duré pendant tout
le mandat de Préval (en dépit de ses graves inquiétudes au sujet
de Latortue, comme nous le verrons) jusqu’à ce qu’il laisse la
place à Aristide en 2001.
Aristide revient,
Youri prend congé
« Après l’accession
au pouvoir d’Aristide, d’autres policiers de l’USGPN ont trouvé
[Latortue] ‘hostile’ envers son nouveau Président, qui était
préoccupé par son implication dans un‘complot,’ d’après la radio
appartenant à l’élite haïtienne, Signal FM, le 21 février 2001 »,
écrit le journaliste d’enquête canadien Anthony Fenton, dans
un
article de Znet de juin 2005 intitulé « Have the
Latortues Kidnapped Democracy in Haiti? [Les Latortue
ont-ils kidnappé la démocratie en Haïti ?] ».
À ce moment-là, Latortue
a été transféré du Palais pour aller travailler sous Nesly
Lucien, qui avait été nommé chef de police. Mais à la fin de
2001, Latortue a pris un congé payé de la police pour aller
poursuivre une maîtrise en Droit au Canada. Il « a vécu a
Miami, [et] étudié à Montréal pendant deux ans »a-t-il
raconté à Fenton lors d’une interview téléphonique de juin 2005.
C'est à cette époque que
Latortue a reçu la visite de Stanley Lucas, un représentant de
l'International Republican Institute (IRI), une tentacule du
National Endowment for Democracy (NED) du gouvernement des
É.-U., d’après notre source. L'IRI jouait un rôle central dans
l'organisation de l’« opposition civile » à Aristide,
principalement le soi-disant « groupe des 184 », dirigé par le
magnat des ateliers de misère, Andy Apaid. Mais Lucas était
également en contact avec l’« opposition armée » de l’ancien
soldat et chef de police haïtien, Guy Philippe en République
dominicaine. C’est là que Youri allait entrer en scène.
En 2002 et 2003,
Latortue a fait la navette entre les États-Unis, le Canada et la
République dominicaine, pour rencontrer Guy Philippe, l’ancien
chef de l’escadron de la mort FRAPH , Jodel Chamblain, et
d’autres membres des « rebelles » qui se formaient,
s’entraînaient et lançaient des raids contre Haïti. Fait
intéressant, le visa de voyage aux États-Unis de Youri, qui
avait été suspendu en 1995, a été rétabli en 2002 lorsqu’il
s’est mis à jouer le rôle d’intermédiaire anti-Aristide.
« Nous savons que
Youri a été l’un des auteurs intellectuels, l'un des principaux
planificateurs, de l'attaque contre le Palais national le 17
décembre 2001», lorsqu’une bande des « rebelles » de
Philippe a brièvement pris le Palais national à l’occasion d’un
coup d’État raté, a expliqué notre source bien placée. « Dans
le cadre de l'enquête après l'attaque, nous avons appris que
c’étaient les gens de Youri – ses protégés – dans l’USGPN,
travaillant à l'intérieur du Palais, qui ont laissé les
attaquants s’introduire dans l’enceinte du Palais. »
Enfin Lucas, Latortue,
Philippe, l’IRI et les 184 ont réussi leur campagne de
déstabilisation après qu'une équipe SEAL des É.-U. eut enlevé
Aristide à son domicile le 29 février 2004, complétant le
deuxième coup d'État contre ce dernier.
Après le coup d’État
de 2004
Youri Latortue s’est
alors envolé pour Haïti accompagné de son cousin au deuxième
degré, Gérard Latortue. Quelques semaines plus tard, Gérard
Latortue a été installé comme Premier ministre de facto.
Youri Latortue, souvent appelé le « neveu » de Gérard a
été nommé chef de sécurité et chef espion, avec le titre de «
responsable des services de renseignements de
la Primature
».
« Le problème était
que Gérard avait travaillé pour des organisations
internationales outre-mer la majeure partie de sa vie et n’avait
pas vraiment de repères en Haïti, », explique notre source.
« Il dépendait largement de Youri pour le guider. En ce sens,
Youri était pratiquement le Premier ministre dans les coulisses.
Et pendant ce coup d'État, il fut le principal responsable du
massacre de nombreux militants au Bélair, à Cité Soleil et
d’autres poches de résistance ».
Dans ces fonctions,
Latortue a été « surnommé ‘Monsieur 30 pour cent’ à cause du
pourcentage qu'il exigeait en échange de faveurs », écrit
Thierry Oberlin dans l’édition du 21 décembre 2004 du Figaro.
«Inquiet, non sans raison, pour sa propre sécurité, le Premier
ministre verse 20 000 euros par mois à cet ancien policier
impliqué dans divers scandales pour ‘organiser un service de
renseignements’.»
Mais quelque chose
d’intéressant s survenait en 2004; Gérard Latortue a quitté
Haïti pour se rendre à une conférence au Canada, en passant par
Miami. Youri faisait partie de sa délégation. Mais en Floride,
les agents des É.-U. ont détenu Youri pour son implication
présumée dans le trafic de drogue. (Joel Deeb, un trafiquant
d'armes haïtiano-américain qui aurait fait des affaires avec
Youri Latortue, « a déclaré que Youri Latortue a actuellement
quatre mises en accusation scellées de la DEA qui pèsent contre
lui, et que la DEA a fais parvenir une lettre pour l’extradition
de Youri Latortue au gouvernement intérimaire »,a
appris
Fenton à partir de nombreuses interviews avec Deeb entre
avril et juin 2005. « Youri Latortue, pour sa part, a esquivé
les questions au sujet des accusations de la DEA, niant que Deeb
et lui, comme le prétend Deeb, étaient en contact régulier. »)
Gérard Latortue a
téléphoné aux responsables à Washington et demandé que Youri
soit relâché. Les responsables aux É.-U. ont finalement dit
qu’ils ne détiendraient pas Youri, à condition que celui-ci
prenne le prochain avion pour Haïti, ce qu’il fit.
« Lorsque Gérard est
retourné en Haïti après sa visite au Canada, il s’est entretenu
avec Youri à propos de l’incident et sur sa vulnérabilité aux
poursuites », explique notre source. « Ils ont décidé que
la meilleure solution était que Youri devienne un élu, ce qui
lui conférerait l’immunité contre les poursuites. Voilà pourquoi
et comment la carrière politique de Youri a débuté, assuré par
Gérard, sous qui son élection était garantie. »”
Ainsi, sous le
gouvernement de son « oncle », Youri a été élu pour un
mandat de six ans comme premier sénateur du département de
l’Artibonite lors de l’élection du 7 février 2006 qui a
également amené Préval à la Présidence pour la deuxième fois.
Voilà à partir d’où les
câbles de l’ambassade des É.-U. reprennent le fil du récit.
Un trafiquant de
drogue et kidnappeur au Palais ?
Quand Youri Latortue
travaillait au Palais sous Aristide et René Préval, aucun des
deux présidents n’était à l’aise avec sa présence et ils
savaient que Youri Latortue trempait dans des activités
illégales. Mais ils craignaient de prendre des mesures contre
lui. « Parmi les observateurs politiques, c'est un article de
foi que Latortue était impliqué dans le trafic de drogues sous
Aristide et durant les premières administrations de René Préval
», a rapporté l’ambassadrice des É.-U., Janet Sanderson,
dans un câble du 27 juin 2007 à l’intention de Washington. «
Préval lui-même a rapporté que Latortue ‘trafiquait de la
drogue’ à partir de son bureau au Palais durant le mandat
d’Aristide. »
Préval a fait les mêmes
affirmations au successeur de Sanderson, l’actuel ambassadeur
Kenneth Merten, qui a rapporté dans un câble secret du 6 octobre
2009 que le président haïtien avait « également fait part de
ses préoccupations concernant le manque d’intégrité du président
de la Commission du Sénat sur la sécurité et la justice, le
sénateur Youri Latortue, mentionnant les liens qu’il avait avec
le trafic de drogue. Il a soutenu son point de vue en rappelant
le refus présumé du gouvernement des É.-U. de laisser entrer
Latortue aux États-Unis » en 1995 et 2004.
L'ambassade des
États-Unis a traité Latortue avec méfiance lorsqu'il est
retourné en Haïti en 2004. Le premier conflit qu’ils ont eu avec
lui est survenu lorsque ce dernier a pris l’initiative de dire à
« certains des ex-soldats du Cap-Haïtien », qui avaient
participé à la « rébellion » de Guy Philippe, « qu’ils
seraient admis dans la PNH ».
« Cela a sonné
l’alerte pour nous et pour le reste de la communauté
internationale et a fait l’objet d’une réunion du Noyau
le 12 mars », rapporte le prédécesseur de Sanderson,
l’ambassadeur James Foley, dans un
câble du 15 mars 2005. Les É.-U. et ses alliés ont été voir Gérard Latortue qui « a
assuré que tel n’était pas le cas ». Leur faisant plaisir en
« admettant publiquement que la PNH ne constituait pas une
option automatique pour les anciens des FADH ».
Deux mois plus tard, un
membre bien connu de la bourgeoisie haïtienne, l’homme
d'affaires Fritz Mevs, faisait part à l’ambassade des É.-U. que
« des trafiquants de drogue colombiens » travaillaient
avec une « petite clique d’individus puissants et bien
introduits, dont Youri Latortue... pour créer une entreprise
criminelle qui se nourrit de l’instabilité et l’alimente »,
écrit Foley dans un
câble du 27 mai 2005. Youri faisait partie
d’« une petite camarilla de trafiquants de drogue et
d’intrigants politiques qui contrôlent un réseau de policiers
corrompus et de gangs, responsables [...] de la perpétration de
kidnappings et de meurtres... »
L’ambassade était
également préoccupée par le fait que Youri commençait à
s’aliéner certains membres de la coalition anti-Lavalas qui
avait chassé Aristide du pouvoir, surtout les étudiants. Ils
commençaient à ne plus faire confiance au gouvernement
intérimaire d’Haïti, tel que l’on nommait le régime de facto
de Latortue, à cause des « rumeurs qui couraient à l’effet
que le gouvernement intérimaire d’Haïti (notamment Youri
Latortue) créait une ‘cellule de renseignements’ au sein du
mouvement étudiant à des fins politiques », écrit le chargé
d’Affaires intérimaire, Douglas M. Griffiths, dans un
câble du 6
juillet 2005.
Washington surveillait
de près l’émergence d’Artibonite en Action (LAAA), le parti créé
par Youri Latortue en 2005 pour se faire élire au Sénat. « Ce
parti pourrait être financé par de l’argent de provenance
délictueuse et a déjà été impliqué dans des violences liées aux
gangs dans les quartiers défavorisés de Raboteau et Jubilée aux
Gonaïves », écrit une autre chargée d'Affaires intérimaire,
Erna Kerst, dans un câble du
30 novembre 2005.
Alors qu’elle entrait en
fonction à l’ambassade au début de l’année 2006, Sanderson, a
également fait écho au fait que Youri Latortue est «
largement soupçonné d’être impliqué dans des activités illégales
», dans un
câble du 16 juin 2006.
Moins de deux mois plus
tard, le 2 août, elle fait parvenir
un autre câble rapportant
qu’Edmond Mulet, le chef de la Mission des Nations unies pour la
stabilisation en Haïti (MINUSTAH), était préoccupé par le fait
que « le trafic de la drogue est devenu un problème de plus
en plus alarmant, qui est difficile à combattre, en partie à
cause des liens au trafic de la drogue au sein du gouvernement
haïtien », écrit Sanderson. « Dans cette communication,
il a mentionné le président du Sénat, Joseph Lambert, et le
président de la Commission du Sénat sur la sécurité, Youri
Latortue – décrivant ce dernier comme un ‘trafiquant de drogue’
».
Le trafiquant d’armes
Joel Deeb a également qualifié Latortue de « caïd trafiquant
de drogue, ‘ avec des liens étroits’ avec le chef paramilitaire
Guy Philippe », a rapporté Anthony Fenton dans son article
de ZNet. « Deeb a également dit que ‘tout le monde est
au courant’ de l’implication de Youri Latortue dans les
kidnappings », qui sévissaient en Haïti à l’époque.
« Il est également de
notoriété publique que Youri Latortue et son assistant, Jean-Wener
Jacquitte,... font, au moins, office d’intermédiaires pour
l’argent provenant des kidnappings », a poursuivi Fenton.
« Ceci a été confirmé par des sources dans les cercles
diplomatiques, de même que par des sources à l’intérieur et à
l’extérieur du gouvernement de facto haïtien ».
Dans
un câble du
septembre 2006, Sanderson a rapporté que Youri a été en mesure
« d’embaucher ses‘petits amis’ pour gérer les opérations de
la douane aux Gonaïves » et, dans
un câble de novembre 2006,
que le juge des Gonaïves, Napela Saintil, qui avait présidé au
procès emblématique du massacre de Raboteau en 2000 (auquel
Youri Latortue « a refusé de témoigner »), considérait
Latortue comme son « ennemi juré » et a « accusé
un agent de sécurité de Latortue, Léon Leblanc, d’avoir tenté
de l’assassiner en mars 2004 ».
L’un des câbles les plus
édifiants de Sanderson est sans nul doute
celui daté du 20
novembre 2006. Il tire sa source d’une réunion du 9 novembre
qu’a eue l’un des proches associés de Youri (dont le nom a été
retiré de ce rapport et du câble affiché sur le site de
WikiLeaks pour sa protection) avec des responsables politiques
de l’ambassade. Le collègue « a fait part aux responsables
politiques de ses préoccupations concernant les activités
illégales ou peu recommandables de Latortue dans la ville
portuaire des Gonaïves et d’autres secteurs de l’Artibonite »,
a écrit Sanderson. « Les liens de famille de Latortue et sa
proche association avec les gangs armés et des trafiquants de
drogue lui permettent de manipuler la région ».
Un politicien
ambitieux
« La famille Latortue
étend partout ses tentacules dans la politique haïtienne »,
a confié l’homme à l’ambassade en Haïti. « La sœur de Youri à
déjà été mairesse des Gonaïves, et l'ancien délégué de la région
était également l’un de se cousins. L’administration a rempli
les bureaux locaux et municipaux d’Haïti par décret présidentiel
durant le gouvernement intérimaire. Le sénateur Latortue
exerçait une influence sur ces nominations par l’entremise de
ses relations avec le Premier ministre du gouvernement
intérimaire, Gérard Latortue, et a réussi à placer des membres
de son parti dans la plupart des postes à travers l’Artibonite.
Le sénateur s’est servi de ces gens pour consolider son pouvoir
et son influence dans la région jusqu’à ce que le nouveau
délégué de l’Artibonite nomme de nouveaux responsables locaux et
régionaux qui n’étaient pas inféodés au sénateur Latortue ».
Le collègue a comparé
« l’autorité du sénateur Latortue dans la ville portuaire des
Gonaïves à celle d’un parrain de la mafia », poursuit le
câble. « Il a affirmé que le port quelque peu léthargique et
la drogue et les autres trafics qui y ont cours sont totalement
sous le contrôle du sénateur. Le port des Gonaïves est largement
sous le contrôle du gang de l’Armée cannibale, qui fait face à
la concurrence persistante des deux autres gangs, Des Cahos and
Jubile Blan. Le sénateur Latortue exerce une influence sur les
trois groupes et est ainsi en mesure de garder la main mise sur
le port. Parmi les autres entreprises de Latortue aux Gonaïves
on compte une boîte de nuit et une salle de cinéma, toutes les
deux d’une légitimité douteuse »
Sanderson a également
remarqué qu’« une organisation populaire souvent
perturbatrice de Saint-Marc du nom de ‘Bale Wouze’ a récemment
accusé le sénateur d’avoir distribué des armes dans le but de
déstabiliser le gouvernement ». Le collègue de Latortue
« a téléphoné à l’ambassade le 16 novembre pour appuyer les
accusations de Bale Wouze, et également pour rapporter un autre
incident au cours duquel le sénateur Latortue et ses amis
volaient des poteaux et des boîtes de service téléphoniques de
Port-au-Prince pour être utilisés aux Gonaïves ».
Le collègue a décrit comment Youri était un politicien rusé.
« Après les immenses inondations dans l’Artibonite en septembre
[2006], le gouvernement central avait donné des
approvisionnements d'urgence à être distribués aux victimes des
inondations », écrit Sanderson, mais le « sénateur
Latortue a intercepté les provisions et les a temporairement
cachées quelque part aux Gonaïves, avant de les apporter aux
victimes comme s’il était personnellement responsable de cette
distribution de vivres ».A suivre
la semaine
prochaine |